La Vie Ardennaise Illustrée 1er mai 1900


Le Dr Louis Mencière appartient aux Ardennes par sa famille, qui babite les Petites-Armoises. Les basards de l’existence de fonctionnaire de son père le firent naître à Saint-Genis-de-Saintonge ; c’est ce qui explique qu’il fit une partie importante de ses études à Bordeaux. De bonne heure, ses goûts le portèrent vers les sciences médicales. Classé premier au concours d’externat des hôpitaux de Bordeaux en 1891, il obtint rapidement le titre d’Interne de ces mémes hôpitaux en 1893. Il passa successivement dans différents services de chirurgie et eut l’honneur d’être choisi, pour occuper les fonctions de premier interne, par M. le Dr Demons, professeur de clinique chirurgicale à la Faculté et ancien president du Congrès français de chirurgie de Paris.


Sous la direction de ce maître, dont l’habileté est universellement connue, il fut initié à la pratique de l’art chirurgical.
Il soutint sa thèse en 1806 sur les divers procédés de gastro-entéroslomie et ce travail lui valut une médaille de la Faculté.
Le D Mencière avait toujours eu l’intention de se rapprocher de son pays d’origine; il mit ce projet à exécution quand il devint le gendre de l’honorable conseiller général du canton du Chesne, M. le Dr Martin, dont nous avons publié le portrait dans un précédent numéro.
Nous trouvons ensuite le Dr Mencière à Paris pendant deux ans disciple et ami des maitres de la chirurgie infantile.
A. Broca, fils du grand Broca, qui fonda la Société d’Anthropplogie, et lui-même, professeur à la Faculté de Médecine, lui ouvrit, avec une libéralite que connaissent ceux qui ont été admis dans l’intimité du maitre, les salles de son important service d’enfants à l’hôpital Trousseau.
Le temps qui le Dr Mencière y passa fut fécond. Il publia plusieurs mémoires d’une grande compétence sur la chirurgie infantile, et en particulier :
– Sur les accidents consécutifs a la Kelotomie et à la cure radicale des hernies;
– Sur les hernies de l’ovaire chez la petite fille,
– et sur la cure radicale de l’hydrocèle congénitale.

Enfin, il fit paraitre, en 1898, un important ouvrage : Kyste du canal vagino-péritonéal et kystes du canal de Nück, dans lequel, en s’appuyant sur 127 observations inédites recueillies à l’hôpital Trousseau, il montrait les anomalies possibles du canal vagino-péritonéal et réglait la conduite à tenir dans les cas de kystes de ce canal.
La découverte de Roëntgen, dans son application à la chirurgie des membres, provoqua aussi les recherches du Dr Mencière. Ses travaux au laboratoire radiographique de la clinique Baudelocque ont fait l’objet d’une communication à l’Académie de médecine de Paris dans sa séance du 26 juillet 1898 ( Considérations sur traitement rationnel des fractures et des luxations, à l’aide d’appareils entièrement perméables aux rayons Roëntgen.)
Entre temps l’amitié de A. Broca lui avait valu d’être admis aux conférences d’agrégation dirigées, à l’hôpital Beaujon, par le Dr Picqué, chirurgien des hôpitaux de Paris. C’était une façon de s’armer solidement pour les luttes futures des Congrès, ou chacun cherche à faire triompher les méthodes qui lui sont personnelles et qu’il croit bonnes. Enfin, le Dr Mencière continue à aller visiter les principaux établissements spéciaux et à aller prendre son bien près des maîtres de la chirurgie Orthopédique.

Quand il fut pourvu du bagage scientifique qu’il jugeait indispensable, il vint établir à Reims sa clinique de chirurgie infantile et orthopédique.
Partisan convaincu des idées et des méthodes du professeur Hoffa de Wurtzbourg (Bavière), il imita son installation et ses procédés, tout en les rajeunissant.
Spécialiser la chirurgie des membres et de la colonne vertébrale à une époque où la chirurgie générale tend de jour en jour à se spécialiser en chacune de ses branches, tel est le but qu’il s’est proposé. Cette spécialisation existe depuis long temps à l’étranger, mais chez nous c’est une véritable innovation. Elle est justifiée par la longue durée des soins que nécessite souvent le traitement des déviations du rachis, et des affections chirurgicales des membres, même après l’opération, et par l’outillage particulier auquel il faut avoir recours, et que nous avons pu voir lors de notre visite dans les différents services de la clinique de Reims et à la Maison de santé qui lui est annexée pour l’hospitalisation des malades.
Une installation radiographipue modèle permet de diagnostiquer avec certitude les. lésions des membres.
M. le D Louis Mencière continue à exposer ses ses idées dans plusieurs journaux scientifiques parisiens : la Médecine moderne, la Gazette hebdomadaire et dans la Revue de Chirurgie orthopédique qu’il a crée et qu’il dirige. Nous citerons ses articles sur la guérison des luxations congénitales de la hanche, des déviations de la colonne vertébrale des tumeurs blanches, des abcès osseux, de la coxalgie, des pieds-bots, des déviations et difformités des membres, articles ou se trouvent résumées les méthodes qui constituent le meilleur de la technique personnelle du jeune maitre.
La direction qu’il imprima à la clinique de chirurgie infantile et orthopédique de Reims plaça cette dernière au rang des cliniques étrangères similaires et assura rapidement au Dr Louis Mencière une des premières places dans le corps médical rémois.